Guinée Equatoriale/ Centrafrique: Du coup d’Etat avorté contre Obiang Mbasogo au coup de froid diplomatique
Il y a de cela cinq ans, le 28 décembre 2017, les autorités équato-guinéennes ont fermé de façon unilatérale leurs frontières avec le Cameroun après l’arrestation par les forces armées camerounaises d’un commando d’une quarantaine d’éléments lourdement armés dans la ville frontalière de Kyé-Ossi. A l’époque, le groupe armé était soupçonné de vouloir traverser la frontière pour soutenir un putsch contre le régime d’ Obiang Mbasogo.
La politique mégalomane du fondateur du PDGE au pouvoir, Obiang Mbasogo envers son peuple, a nourri la haine du régime dans le pays et hors des frontières.
Se sachant très impopulaire dans son propre pays, Obiang Mbasogo panique énormément à la moindre menace contre la sûreté de son Etat.
Tous les régimes dictatoriaux qui oppriment et oppressent leur population, réagissent ainsi par peur de menaces contre le pouvoir.
Mais une action entraînant une autre, une dictature entraîne inéluctablement une farouche opposition au sein de la population amenant un putsch à se constituer sur le territoire.
Dans le cas de figure de cet incident qui a conduit au gel des relations entre Bangui et Malabo, une résistance armée sur le territoire équato-guinéen nécessitait un soutien étranger.
D’où la tentative d’incursion de mercenaires de nationalité tchadienne et centrafricaine selon les autorités camerounaises, qui seraient installés dans la ville de Kyé-Ossi, non loin de la frontière avec la Guinée Equatoriale.
Le Président équato-guinéen Obiang Mbasogo ayant appris avec stupeur qu’au sein du groupe des putschistes se trouvait un certain Ahmed « Dada » Yalo, le petit frère du plus proche conseiller du président centrafricain Sani Yalo, somme le président Touadéra de venir s’expliquer à Malabo.
Dans un premier temps, Touadera feint de ne pas comprendre la gravité de la situation et souhaite plutôt envoyer à sa place son ministre des Affaires Etrangères Charles-Armel Doubane.
Mais celui-là qui incarne la terreur au sommet de l’Etat équato-guinéen depuis 1977, exige le déplacement personnel de Touadéra.
Le chef de l’Etat centrafricain se rend malgré lui à Malabo dans un avion affrété par le régime équato-guinéen le 9 janvier 2018.
A son arrivé sur place, il constate l’inexistence de la traditionnelle fanfaronnade officiellement réservée aux chefs d’Etat.
En fait, la RCA bénéficie d’un fort soutien de la Guinée Equatoriale à plusieurs niveaux avec notamment la formation à Malabo d’officiers affectés à la garde présidentielle centrafricaine.
Il est devient clair que Malabo considère l’acte comme étant une trahison à grande échelle.
Les autorités de Malabo, eux-mêmes, fins connaisseurs des manœuvres putschistes, veulent plus clair dans cette affaire.
Obiang indique alors clairement à son homologue centrafricain qu’il veut que la lumière soit faite sur ce dossier et qu’il n’est pas exclu que des têtes tombent si certains à Bangui sont impliqués.
Touadéra assure à son homologue équato-guinéen ne rien savoir de cette histoire et se garde bien d’évoquer avec Obiang le fait que le putschiste Ahmed « Dada » Yalo faisait partie de sa garde rapprochée lors de son déplacement à Paris en mai 2016.
Un mensonge au haut sommet de l’Etat, révélé par une vidéo du département de la communication de la Présidence Centrafricaine montrant Ahmed « Dada » Yalo au sein du corps de sécurité présidentiel.
Le 12 janvier 2018, le ministre de la Sécurité nationale équato-guinéen, Nicolas Obama Nchama est dépêché à Bangui pour complément d’enquête dans cet épineux dossier.
Touadera dame son pion
Lors d’une interview à RFI le 17 Janvier 2018, Obiang Nguema Mbasogo indique que « certains agents commençaient à recruter les mercenaires depuis le Tchad, la Centrafrique. J’ai même prévenu le président Touadéra. Il m’a répondu qu’il n’a pas la possibilité de contrôler le territoire ».
Sani Yalo, grand frère du putschiste Ahmed Dada Yalo, affirme dans une interview parue dans le journal « :Jeune Afrique » le 24 janvier 2018 avoir lui-même participé à la dénonciation de son frère.
« Nous avons été informés que des Centrafricains étaient impliqués dans une tentative de déstabilisation. Nous avons donc prévenu les autorités des pays concernés, le Cameroun et la Guinée équatoriale. Si mon frère est un terroriste, il faut le traiter comme tel. Je n’ai pas d’état d’âme ».
Sani Yalo qui n’est alors pas en mesure de préciser qui précisément et par quel canal il a soi-disant prévenu le Cameroun et la Guinée-Equatoriale de l’implication de son petit frère, n’est pas vraiment arrivé à convaincre les autorités Equato-guinéennes.
Convoqué par la commission spéciale d’enquête mise en place dans ce dossier en avril 2018, le comptable du BARC Igor Rugin Benguéré (aujourd’hui réfugié à Malabo) mettra en lumière que les fonds servant à recruter les mercenaires en Centrafrique ont transité sur les comptes bancaires du Bureau d’affrètement Routier Centrafricain (BARC) à la Commercial Bank Cameroun (CBC) et Ecobank à Douala au Cameroun.
Or, Sani Yalo est signataire en tant que Président du Conseil d’Administration après avoir obtenu pouvoir de signature de la part du contrôleur général des entreprises et offices publics de Arthur Piri, neveu du président Touadéra.
Malgré l’émission de ce mandat d’arrêt en mai 2018 désignant clairement Sani Yalo, le Président Touadéra ne livrera pas son proche conseiller à la justice aux autorités Équato-Guinéennes, marquant ainsi un coup d’arrêt dans les relations entre Bangui et Malabo.
Eric