Sénégal : Violences à Dakar après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse
Des violences ont éclaté jeudi dans différents quartiers de Dakar après la condamnation de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». La peine compromet encore davantage sa candidature à la présidentielle de 2024, qui semblait pourtant bien engagée. Les groupes de jeunes ont attaqué des biens publics en plusieurs points de la capitale, brûlé des pneus et disposé des obstacles dans les rues. Des heurts ont mis aux prises des groupes et les forces de sécurité à coups de pierres et de gaz lacrymogènes.
Ces violences font suite au délibéré rendu jeudi par une chambre criminelle de Dakar contre Ousmane Sonko, le plus farouche adversaire du président Macky Sall. Il était accusé de viols et de menaces de mort. Le tribunal l’a condamné pour « corruption de la jeunesse », qui consiste à favoriser la « débauche » d’un jeune de moins de 21 ans. Il a été en revanche acquitté des accusations de viols et menaces de mort.
La plaignante, Adji Sarr, ancienne employée du salon de beauté où M. Sonko allait se faire masser, avait moins de 21 ans au moment des faits qu’elle dénonce. Elle n’est jamais devenue la figure d’un combat contre les violences faites aux femmes, le dossier étant trop politisé par la présidentielle et la société ne facilitant pas un tel engagement.
La patronne du salon Sweet Beauté, Ndèye Khady Ndiaye, a également été condamnée à deux ans de prison ferme pour incitation à la débauche, mais acquittée de complicité de viols.
Elle et M. Sonko doivent payer chacun 600.000 francs CFA (900 euros) d’amende et conjointement 20 millions de FCFA (30.000 euros) de dommages et intérêts à la plaignante. « Nous sommes satisfaits de la culpabilité de Sonko », a dit à la presse Me El Hadji Diouf, avocat d’Adji Sarr. Mais 20 millions de FCFA de dommages, c’est peu pour les « souffrances » qu’elle a endurées, a-t-il déploré.
La décision paraît au vu du code électoral maintenir la menace sur l’éligibilité de M. Sonko et sur sa faculté à concourir à la présidentielle de l’an prochain. Le tribunal ne s’est pas prononcé sur une éventuelle arrestation de M. Sonko.
Au moment de la décision de justice, M. Sonko, président du parti Pastef-les Patriotes, était présumé se trouver chez lui à Dakar, bloqué depuis dimanche par un important dispositif policier, « séquestré » selon ses mots. Les forces de sécurité ont repoussé, y compris par la force, toute tentative de l’approcher de la part de ses avocats ou de ses sympathisants.
L’enjeu est autant criminel que politique. L’éligibilité de M. Sonko, 48 ans, est déjà compromise par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre un ministre. Depuis février 2021, que l’affaire de viols présumés défraie la chronique, M. Sonko est engagé dans un bras de fer forcené avec le pouvoir pour sa survie judiciaire et politique. Une vingtaine de civils ont été tués depuis 2021 dans des troubles largement liés à sa situation. Le pouvoir et le camp de M. Sonko s’en rejettent la faute.
Les Sénégalais sont désormais face à une situation politique tendue. L’affaire de viols présumés d’Ousmane Sonko a créé un grand débat dans le pays. Les partisans de M. Sonko ont appelé à manifester pour protester contre la décision du tribunal. Les autorités ont quant à elles appelé au calme et ont promis de faire face aux actes de violence. Les prochaines semaines seront cruciales pour la stabilité politique du Sénégal, notamment en vue de l’élection présidentielle de 2024.
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Souleymane Diop